Etre une entreprise adaptée, c’est contribuer à changer le regard sur le handicap

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Grégoire Decaux est le fondateur d’Inspirience, une agence de communication événementielle qui a obtenu en août dernier l’agrément « Entreprise Adaptée ». Cet entrepreneur revient pour Youphil.com sur son projet sociétal et l’intérêt d’un tel statut.

Youphil.com: Vous venez d’obtenir l’agrément « Entreprise Adaptée », c’est-à-dire qui emploie au moins 80% de collaborateurs handicapés. Qu’est-ce que cela vous apporte ?

Grégoire Decaux: Plusieurs choses ! Pour les travailleurs handicapés, le premier bénéfice, c’est la possibilité d’accéder aux métiers de la communication, qui leur sont généralement peu ouverts. Pour nous, c’est la reconnaissance de la mission sociale et sociétale que nous accomplissons pour former et accompagner ces collaborateurs.

C’est aussi un beau projet pour nos clients. Travailler avec nous leur permet d’afficher un engagement RSE [responsabilité sociale de l’entreprise, NDLR] assez fort. Faire travailler une entreprise adaptée, c’est un acte engageant.

Et en même temps, cela représente un avantage financier pour eux…
En France, aux termes de la Loi de 2005, toutes les entreprises de plus de 20 salariés ont une obligation d’emploi de 6% de travailleurs handicapés dans leur staff permanent. A défaut d’atteindre ce niveau, elles financent l’Agefiph, l’Association de Gestion du Fonds pour l’Insertion Professionnelle des personnes Handicapées et cette contribution peut être très élevée. Un des moyens de la diminuer, c’est le recours aux prestataires issus du secteur adapté ou protégé : entreprise adaptée (EA) ou les établissements et services d’aide par le travail (ESAT) , pour des prestations très diverses, du traiteur au nettoyage industriel, et maintenant, avec Inspirience, à l’organisation d’évènements !

Etre une entreprise adaptée, c’est donc une plus-value pour répondre à un appel d’offres ?
C’est une petite plus-value, oui. Sachant que par ailleurs, nous avons 20 ans d’expérience dans le conseil, la création et la production d’évènements, et nous sommes garants de la qualité de nos prestations.

Quel conseil donneriez-vous aux entreprises qui souhaitent obtenir cet agrément ?
Tout d’abord, de le faire par conviction ! L’important ensuite, est vraiment de présenter un projet solide et viable, assorti d’une vision à moyen terme de l’entreprise, son marché, ses collaborateurs etc.
Nous avons bâti et présenté un véritable business plan comme pour n’importe quel projet de développement, avec un vrai volet social. Nous avons défini les postes des personnes handicapées que nous souhaitions ouvrir et accompagner : graphiste, chef de projet, chargé de production. A mon sens, ce qui a peut-être fait la différence, pour la direction des entreprises, de la consommation, du travail et de l’emploi d’Ile-de-France (DIRECCTE) dans notre dossier, c’est la possibilité de proposer des fonctions nouvelles à des collaborateurs handicapés. Il y a très peu d’entreprises adaptées dans le domaine de la communication. Et dans le secteur événementiel, nous sommes la seule agence spécialisée !

Aujourd’hui, votre entreprise compte donc 80% de travailleurs handicapés ?
Non. On n’obtient pas l’agrément parce qu’on fait travailler des personnes handicapées depuis cinq ans, mais pour le projet futur qu’on souhaite développer. Nous nous engageons par un contrat triennal et je dois fournir un rapport d’étape tous les six mois, c’est contractuel. Et en contrepartie, nous bénéficions d’un accompagnement, comme par exemple une aide pour aménager physiquement un poste de travail, une aide au premier emploi.

Comment prenez-vous en compte les différents handicaps ?
Nous avons imaginé des fiches de poste en fonction des handicaps. A la tête d’une entreprise de communication événementielle, je ne peux pas, par exemple, embaucher une personne aveugle pour effectuer des repérages sur les lieux de nos évènements. Mais pour imaginer quels intervenants pourraient constituer le panel d’une table ronde thématique, cela ne pose aucun problème. Un collaborateur en fauteuil roulant pourra de son côté visiter les locaux évènementiels. On oublie aussi souvent que 80% des handicaps ne sont pas visibles à l’oeil nu. Ce sont parfois des handicaps psychologiques, ou encore une maladie invalidante, comme le diabète. Chaque handicap doit être pris en compte pour aménager au mieux le poste de travail.

Est-ce que cet agrément va influencer le type d’évènements que vous allez organiser?
Non, Inspirience conçoit et produit des événements (séminaires, colloques, conférences, journées solidaires, team building, etc.) de toute nature, sans forcément de lien avec le handicap. Nous travaillons par exemple en ce moment avec le Conseil régional d’Ile-de-France sur une série de conférences thématiques en vue de la réunion de l’ONU dite Paris Climat (COP21). Je pense que ce serait d’ailleurs une erreur de travailler uniquement sur le thème du handicap : nos collaborateurs auront sans doute aussi envie de faire autre chose ! L’un des a priori que l’on souhaite chasser, c’est l’idée selon laquelle travailler avec une personne handicapée, c’est travailler moins bien, mon vite. Ce qu’on veut, c’est contribuer à changer le regard sur le handicap.

De Youphil, le média de toutes les solidarités

Pour plus de renseignements, consultez
Le site du ministère du travail
Le site de l’Union nationale des entreprises adaptées

 

Une entreprise adaptée, c’est quoi ?
Une entreprise adaptée est une entreprise employant au moins 80% de salariés handicapés dans ses effectifs de production. Elle doit permettre une insertion et une promotion professionnelle tenant compte du handicap du travailleur. Elle est soumise à la législation commune, ses collaborateurs sont des salariés en contrats de travail classiques.

A l’inverse, un Esat (anciennement CAT, centre d’aide par le travail) n’est pas une entreprise mais un établissement et service d’aide par le travail, une structure offrant aux travailleurs handicapés des activités professionnelles et un soutien médico-social et éducatif. L’Esat accueille le travailleur handicapé dont les capacités ne permettent pas de travailler dans une entreprise ordinaire ou adaptée.

L’agrément “Entreprise Adaptée” donne droit à des aides. Pour obtenir ce statut, les entreprises présentent un dossier solide, soumis à la décision de la DIRECCTE, et, s’il est jugé recevable, signent un contrat d’objectifs triennal (COT) avec les services de l’Etat.

La progression de l’atteinte de ces objectifs est d’ailleurs évaluée au moins une fois par an, via un avenant financier : à cette occasion, le montant des aides de l’Etat est revue pour tenir compte de la situation de l’entreprise.